samedi 22 janvier 2011

Crin -Blanc chapitre 3 (1ère partie )

Antonio , le vieux gardian.

Folco n'en parlera qu'à son petit frère,après le dîner ,quand la chandelle sera éteinte,et qu'ils seront couchés côte à côte sous leurs couvertures.
Folco racontera aussi son aventure à Antonio.
Antonio,c'est son ami.Folco rencontre souvent ce vieux gardian qui a fini son temps.On lui fait encore une place chez le manadier.Antoniocouche près des chevaux ,dans la paille des écuries.Mais il est heureux ainsi.
Folco n'est allé qu'une fois jusqu'au beau mas qu'habite le manadier,le maître des chevaux sauvages.
Quand Antonio visite les manades,il fait souvent un détour pour un brin de causette avec son vieux camarade Eusebio.
Une semaine a passé depuis que Folco a rencontré Crin-Blanc ,la nuit oú les bohémiens ont volé la grande jument blanche.
Et un jour , au soleil levant , voici qu'on toque du piolet à la porte.
Folco , accroupi devant le foyer ,soufflait sur les braises pour faire chauffer le café du matin.Il courut ouvrir.
"Bonjour ,Antonio...
_Alors , on n'est pas levé dans la maison!Tiens mon cheval,petit...Et aide-moi à me désencrucher.Tu sais que je suis dans le fond de ma selle comme un caillou dans un sac.."
Antonio est tout tordu de rhumatismes.Il est incapable de se mettre tout seul à cheval ou d'en descendre .
"Je vais prendre le café avec vous."
Le cheval Franqui attaché à la boucle de la porte , Antonio se traîna sur sa jambe raide vers la maison.
"Allons , debout Eusebio...Salut!...Toujours alerte ,toi!Donne -moi un escabeau.Alors ,du nouveau au marais?
Rien que du vieux ,Antonio.Et chez le manadier du diable?
Laisse le diable , Eusebio!Il est passé chez nous , en guenilles....Eh oui!Les bohémiens...On nous a volé une jument et qui avait un beau poulain ,ma foi...
Crin-Blanc!...s'écria Folco.
Qu'est-ce que tu dis ,petit?
J'ai vu les bohémiens ,Antonio .Je les ai vus,le soir oú ils ont volé la jument.J'étais dans le marais.
Si tu l'écoutes,Antonio,le gaillard t'en fera entendre ,ricana le grand-père.Et c'est ta faute ,aussi ,Antonio...
Ma faute?...
Mais oui...C'est toi qui lui as tourné la tête à ce gamin ,avec tes histoires de chevaux.
Laisse parler Folco ,Eusebio...,dit le vieux gardian.Je t'ai déjà dit ce que je pense .Tu as tort de contrarier le petit.Folco a les chevaux dans le sang.Un fameux gardian que cela fera , plus tard...
Jamais....,coupe le grand-père.
Qui peut dire "jamais",Eusebio?Mais laissons cela.Je sais que la jument est perdue.On ne la reverra plus.C'était Giuseppe qui la montait autrefois.Tu te souviens de Giuseppe ,Eusebio.Lui , il profite de sa retraite.Il a sa petite maison et sa vigne dans la campagne d'Arles.La jument ,Rita , avait pris une légère boiterie.Le manadier l'avait remise au troupeau.Une belle jument...Tant pis!Il faut en faire son deuil.Mais c'est le poulain!Si lui , au moins , n'était pas perdu...
Et c'est comme cela que te voilà en campagne ,dès potron-minet...,dit le grand-père.
Oui.Je suis à la recherche de ce poulain.Oh!je sais...Sans la plus petite chance de le retrouver .Tu permets que j'enlève ton gars ,Eusebio?...J'aime avoir un compagnon.
Oh !oui ,grand-père ?supplia Folco.
Allez , va , mauvaise graine...Je vous accompagne un bout de route .Je vais à ma motte."
C'est ainsi que le vieux pêcheur appelle son petit champ,à trois cents mètres du mas.
On part.Folco aide Antonio à se mettre en selle .Puis , lestement ,le garçon saute en croupe.
Eusebio marche à côté d'eux ,la bêche sur l'épaule.Et sur le fer de la bêche ,perchée ,le bec au vent ,la petite alouette apprivoisée du grand-père.C'est sa fidèle compagne.
Les Chinois ,quand il bourlinguait dans les mers lointaines, lui ont appris à dresser ainsi les petits oiseaux.
Arrivé à son champ ,Eusebio prend son alouette dans sa main .Il la lance dans les airs.Elle s'envole.On ne la voit plus.
Le vieux reste plusieurs heures à bêcher son lopin de terre.Avant de rentrer à la cabane ,il siffle , deux doigts entre les lèvres .Et aussitôt ,la petite alouette qui était perdue dans le ciel tombe de là-haut comme une pierre et se perche sur l'épaule du vieux bonhomme.
"Bonne route ,Antonio...
Nous mangerons un morceau sur les pâturages , dit le vieux gardian.Je te ramènerai ton gars à la nuitée."
Folco et son vieil ami s'éloignent en bordure du marais ,vers la grande plaine désolée et nue.
"Tu crois que Crin-Blanc se sera perdu?demanda anxieusement Folco.
Il aura couru tant que ses jambes l'auront porté.
Et puis , Antonio?..
Et puis ,il sera tombé à bout de souffle.C'est fragile ,un petit cheval , tu sais.
Il était si beau ,soupira Folco.
Je sais ,petit.Je l'avais vu .Il n'avait pas une tache à sa robe.Même sa crinière était couleur de neige.Avec un peu de chance.....
Tu crois ,Antonio?...
Mais oui , mon gars.Il faut faire confiance à la chance.Tiens ,regarde la troupe .Une belle manade , tu sais.Et c'est le grand jeu .Regarde cette course!C'est pour apprendre aux jeunes poulains à allonger leurs jambes "
La troupe de chevaux blancs passa comme un éclair.Pas un poulain n'était à la traîne .Ils suivaient le galop des étalons , derrière les juments.
Nous les retrouverons ce soir au fleuve ,dit Antonio.Quand ils iront boire.Le soleil n'est pas trop haut encore. Nous allons pousser jusqu'à la plaine."
A midi ,le vieux gardian et Folco mirent pied à terre.Ils déjeunèrent d'un morceau de fromage et de figuessèches qu'Antonio avait dans sa besace.Puis ils burent à la régalade ,en pressant le ventre humide de la gourde en peau de chèvre.
"Une petite sieste ,mon gars..."
Folco aurait voulu pousser plus loin.
"Il faut se reposer ,petit.Le soleil tape dur.Etends -toi dans l'herbe et ne pense à rien..."
Voilà qui est facile à dire...
Comme si Folco pouvait s'empêcher de penser à Crin-Blanc !Depuis leur rencontre ,le garçon ne cessait de rêver du merveilleux petit cheval blanc qui aurait pu être son ami.
Pourtant ,fatigué par cette longue randonnée ,Folco s'endormit.

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