mardi 11 janvier 2011

Crin - Blanc chapitre 2

Le rapt.
Non,Folco n'était pas loin.Il retrouvait le fond de vase du mauvais passage entre les îles de boue.
Pour gagner du temps,le garçon sauta sur la berge.En suivant la rive ,pieds nus dans la vase,il s'attela à la cordelle pour haler sa barque le long du bord.Il était en sueur.
Enfin , l'eau commença à porter mieux.Le bateau flottait.Folco reprit la perche.C'est alors qu'il entendit,venant du fond de la plaine,les bruits de la lutte et les jurons étouffés des voleurs de chevaux.Puis un long hennissement sauvage!...
D'un bond, Folco sauta hors de la barque.Il ouvrit à pleins bras les buissons,se déchirant le visage aux ronces.
Sur la plaine sans fin et vide,s'étendait déjà un léger voile de brumedorépar les derniers feux du couchant.
Avec ce soleil rouge dans les yeux,Folco ,de loin,allait être le seul témoin de la lutte désesperée de la grande jument blanche.
Elle connaissait les hommes.Ils ne lui avaient jamais fait de mal.Elle s'&tait laissée approcher par ces bohémiens voleurs de chevaux.Et tout à coup,elle avait vu l'homme qui rampait se jeter sur son petit,le terrasser et rouler avec lui sur le sol.
C'est alors que Folco avait entendu cette longue plainte déchirante de la mère,qui s'élançait au secours de son petit.
Le lasso avait sifflé.En plein galop,la jument s'était abattue ,une jambe prise dans le noeud coulant.
Mais où était Crin - Blanc?...Avait-il fui?Avait -il réussi à s'échapper?
Folco distinguait mal,près du bouquet d'arbres,dans un nuage de poussière que la jument faisait voler sous ses sabots, la silhouette sombre des deux hommes.Ils gesticulaient , courant autour de la jument en furie.
Folco restait cloué sur place,bouleversé par ce qu'il voyait.Il aurait voulu courir,crier , appeler.Et il n'était qu'un enfant désemparé,perdu au milieu du marais,peureux.Pieds nus, il grelottait dans ses vêtements trempés.
Il ne pouvait que regarder ,la rage au coeur ,sans pouvoir rien faire....rien !
Et soudain,une lueur d'espoir l'emplit de joie.
"Elle va leur échapper!...pensa Folco.
La fière jument était déchaînée.Toujours retenue par le noeud coulant qui lui déchirait la jambe,deux fois elle s'abattit,se roulant sur le sol,ruant des quatre sabots.
Deux fois elle se relevad'une puissante détente des jarrets.
En vain,le bohémien,qui n'avait pas lâché la corde,essaya-t-il de l'enrouler au tronc d'un petit arbre pour maîtriser la bête.
La jument chargea.Dressée tout debout sur ses jambes de derrière,la crinière emportée dans le vent ,elle retomba,martelant le sol et se lança,la gueule menaçante,prête à déchirer ses adversaires à coups de dents.
On n'entendait qu'à peine le souffle rauque de sa poitrine et le hennissement qu'elle étouffait dans sa gorge.
Tête baissée ,elle envoya , d'un terrible coup de massue,un des deux hommes rouler dans la poussière.Elle faillit s'abattre sur lui.Le bohémien se releva juste à temps.Mais la jument,happant l'étoffe de sa veste,l'arracha en lambeaux.
Une ruade!...Un cri!...
C'était l'autre bohémien ,le jeune ,celui qui tenait à pleines mains le lasso,qui tombait à la renverse.
"La sale carne!..."
Folco vit l'homme se redresser péniblement ,en portant les mains à son ventre.Il avait lâché le lasso.La jument était libre!
Ne se sentant plus retenue,d'instinct,elle s'enleva pour un galop fou.La peur allait la jeter jusqu'au fond de la plaine où,trèe loin,les étalons de la troupe,invisible dans l'ombre,répondaient à son hennissement.
La jument traînant sa corde allait échapper aux voleurs de chevaux.
Avant que les deux hommes se lancent à sa poursuite,Folco ,dont le coeur nbattait à tout rompre et qui déjà croyait la jument sauvée,la vit revenir brutalement et bousculer celui qui se jetait à sa tête.Freinant des quatre sabots,elle s'arrêta ,le cou tendu,quêtant dans le vent.
Elle était revenue chercher son petit.
Et lui,Crin -Blanc ,pourquoi n'appelait-il pas sa mère?Etait-il blessé?....
Enfin,la jument entendit la plainte de son poulain.Elle s'élança.....
Trop tard!Ensemble les deux hommes se jetèrent sur la corde.La jument n'était pas capable de les traîner sur le sol.
Cette fois, elle était maîtrisée.
Courant jusqu'au bouquet d'arbres,un des bohémiens passa rapidement le bout du lasso autour d'une branche et le noua serré.
Maintenant, la jument pouvait toujours se débattre .Elle était prise.
La fière jument avait lutté jusqu'au bout .Elle était épuisée.
On n'y voyait presque plus.La dernière frange rouge s'éteignait à l'horizon.
Folco ne distinguait que des silhouettes floues dans la brume qui s'épaississait.Il ne vit pas les bohémiens haler la corde ,amener petit à petit la jument ,toute blanche d'écume,au pied du bouquet d'arbres.Là ,évitant les ruades et les coups de dents,ils réussirent enfin à lui passer un autre noeud coulant autour des naseaux.Ils délièrent sa jambe blessée.Ils pouvaient l'emmener .
Folco suivit des yeux le groupe qui s'éloignait:les deux minces silhouettes sombres et la haute jument claire qui peu à peu s'effaça dans le brouillard gris.
Alors, Folco courut comme un fou vers la tache noire que faisait le bouquet d'arbres au milieu de la plaine.
Crin-Blanc n'avait pu se sauver.Il n'avait pas suivi sa mère.Folco l'aurait vu.Le garçon allait trouver le poulain ,là ,parmi les buissons.Qu'avaient fait les bohémiens pour se débarrasser du petit?...
Une mare barrait le chemin.Mais Folco était lancé.Enfonçant jusqu'aux chevilles, faisant gicler la boue,c'est à peine s'il ralentit sa course.
La nuit était là maintenant.Dans cette brume de plus en plus épaisse qui effaçait tout,on aurait dit que les petits arbres noirs se sauvaient.
Folco arriva,les jambes fauchées,aux premiers fourrés.Il s'arrêta un moment pour reprendre son souffle.
Il écouta.Pas un bruit...Seulement celui de son coeur qui cognait dans sa poitrine.Alors ,il appela:
"Crin - Blanc !..."
Un oiseau de nuit s'envola des buissons .Puis le silence....
"Crin -Blanc !..."
Cette fois ,Folco crut entendre une petite plainte.Il courut de ce côté ,se prit le pied dans les épines,roula à terre , se releva.
Il avait bien entendu .Le poulain était là.Folco l'aperçut couché parmi les fourrés et lié des quatre pieds par une fine cordelette.

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